Hausse des prix immobiliers : à qui la faute ?

Pourquoi faut-il tourner notre regard vers la construction neuve ?

 

Le tout premier principe en économie veut que la rareté fasse le prix. Si le prix des propriétés résidentielles s’est envolé au cours des deux dernières décennies au Québec (de 2001 à 2022, les prix ont plus que triplé), c’est parce que l’offre de propriétés à vendre était insuffisante par rapport à la demande, ce qui s’est traduit par des conditions de marché qui ont presque toujours été à l’avantage des vendeurs. Bien sûr, la baisse tendancielle des coûts d’emprunt depuis le tournant de la décennie a grandement stimulé la demande. Toutefois, si en parallèle l’offre s’est avérée aussi faible, ce n’est pas exclusivement un phénomène conjoncturel. D’un point de vue structurel, il y a un déficit d’habitations au Québec, qui est le résultat de plusieurs années de sous-construction.  

Il y a maintenant un fort consensus parmi les experts statuant que, depuis au moins une décennie et peut-être plus, la construction résidentielle au Québec, comme dans le reste du pays, a été nettement insuffisante en regard de la formation de nouveaux ménages. Par exemple, selon l’APCHQ, il manquait déjà au moins 100 000 habitations à la fin de 2021 au Québec pour rétablir l’équilibre sur le marché[1]

Un important déficit de logements

Si l’on en croit maintenant les dernières projections de la SCHL, d’ici 2030, si la cadence des mises en chantier se maintient, il pourrait manquer jusqu’à 860 000 habitations en tout genre au Québec afin de rétablir l’abordabilité sur le marché immobilier (pour le segment des propriétaires-occupants et celui de la location). C’est ce qui ressort d’un rapport faisant une mise à jour sur la pénurie de logements au Canada publié en septembre dernier.

Pour combler ce manque à gagner, il faudrait que l’on mette en chantier près de 150 000 habitations par année d’ici 2030. Or, même durant ses meilleures années, la construction résidentielle n’a jamais franchi le cap des 75 000 mises en chantier au Québec (le record étant de 74 179 en 1987) et il ne s’agit là que de la moitié de l’objectif.

Le graphique ci-dessous nous montre que nous avons construit en moyenne un peu moins de 46 000 habitations par année depuis 2000. Il faudrait donc tripler le rythme annuel des mises en chantier jusqu’en 2030 pour espérer atteindre l’objectif. Or, la situation est plutôt en train de s’exacerber. Loin de s’accélérer, dans la foulée d’une augmentation importante des coûts de construction depuis la pandémie et de la hausse des coûts de financement, les mises en chantier fléchissent. En 2023, on se dirige vers la pire année pour la construction résidentielle au Québec depuis 2001 et, possiblement, le plus fort recul en une seule année[2] depuis que les données sont compilées par la SCHL (1955). 

 

 
[1] « Quelle est l’ampleur du déficit de logements au Québec? », bulletin de l’habitation, APCHQ, avril 2022.
[2] Après trois trimestres en 2023, le retard était de l’ordre de 37 % par rapport à 2022 (source : SCHL).      
 
 

 L’impact sur le marché de la revente

Si les prix se montrent jusqu’ici relativement résilients sur le marché de la revente[3] en dépit de la hausse rapide des taux hypothécaires, c’est justement en bonne partie parce que la faiblesse chronique des inscriptions a des origines structurelles. Rappelons que malgré la hausse des coûts de financement et le ralentissement des ventes, nous sommes encore dans un marché qui avantage les vendeurs lors des négociations. 

Ainsi, dès que les taux hypothécaires vont se normaliser, on risque de revoir rapidement des pressions à la hausse sur le prix des propriétés existantes. Notre déficit d’habitations ne pourra se résorber ni à court ni à moyen terme. Même si les coûts de financement diminuent, il y a trop de délais, d’obstacles réglementaires et de charges publiques qui grèvent actuellement les immeubles neufs pour que l’offre s’ajuste rapidement à la demande. Aussi, même si les gouvernements en viennent à prendre des mesures agressives pour relancer les mises en chantier et attirer massivement de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction, il faudra tout de même du temps pour que cela se traduise en logements habitables.

En parallèle, la demande restera forte. La pénurie généralisée de main-d’œuvre que l’on connaît actuellement nous oblige à recruter des travailleurs étrangers, d’où l’explosion de notre solde migratoire (en 2022, nous avons accueilli un nombre record de près de 150 000 nouveaux arrivants en tenant compte des résidents non permanents). Cela risque de perdurer.

En somme, soyez prêts pour que la hausse du prix des propriétés reprenne de plus belle une fois que la tempête conjoncturelle actuelle sera derrière nous. 


[3] Selon les statistiques de l’ACI, après trois trimestres, le prix moyen des propriétés au Québec est en baisse de seulement 1,3 % comparativement à la même période en 2022.

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